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KaMaïa au FarWest
20 mars 2011

A la Une de la presse (où je m'insurge) (un peu)

unes_japon Bien.

 Bienbienbien.

 Quelqu'un peut me donner la raison pour laquelle quatre hebdomadaires français et pas les moins lus dans les foyers ont cette semaine la même photo en couverture ????

 

 Y aurait-il une pénurie d'images ? Est-ce que tous les photojournalistes du pays du Soleil Levant ont disparu lors du tsunami ?

 

 

Non, bien sûr.

 

 

 D'abord oui, c'est une belle photo.

Quand je dis "belle", c'est bien entendu d'un point de vue iconographique. Quand j'étais en presse médicale, il m'est arrivé de trouver "belles" des photos de cancer du côlon. Quand ça a été mon tour d'être patiente en cancérologie pour cette même pathologie, j'ai tout de suite trouvé ça moins beau. Bref...

 Je veux dire que c'est une photo choc, qui marque, qui montre ce qui se passe, une photo qui peut faire une belle Une pour montrer au monde et aux lecteurs ce qui se passe là-bas. "C'est une bonne photo, ça, Coco"

 

Elle n'est pas sans rappeler la photo de la Madone d'Alger prise par Hocine Zaourar en 1997 après le massacre de Benthala

 madone_de_benthala

(c) Hocine Zaourar

 

 Elle n'est pas sans rappeler à notre inconscient judéo-chrétien une autre madone...

vierge_marie

Vous avez dit message subliminal... ?

 Eh oui !

 

 Bref, donc oui, bon, c'est une belle photo pour une couv, on est d'accord.

 

M'enfin, quoi, les iconos auraient-ils un poil géant dans la main à n'aller pas chercher plus loin que sur les sites de Reuters, de l'AFP ou de l'Associated Press ?
Bon déjà, le fait que cette photo ait été diffusée simultanément par Reuters, l'AFP et l'AP m'interpelle un peu. La mondialisation des échanges, l'avènement de la photo numérique, au lieu de multiplier les sources possibles a contribué à une concentration des agences, de nombreuses petites agences ont disparu, bouffées par de plus grosses et à une raréfaction des sources. Qui dit raréfatction des sources et concentration des diffuseurs dit moins d'images disponibles. C'est sûr.

 Mais quoi ? Il n'y a pas d'agences de presse au Japon ? Pas de photographes indépendants qui auraient pu fournir un plus grand  choix d'images ?

 

A mon avis, c'est surtout une histoire de gros sous...

 De plus en plus de rédactions licencient leurs iconographes, les remplaçant par des personnes non formées aux subtilités de la recherches d'images aux quatre coins du monde.

Tant que ce n'est pas de l'actu chaude, ça va, on peut éventuellement se le permettre (encore que, mais là, ce n'est plus un article que je vais pondre mais un roman). Mais quand on touche à l'actualité brûlante, un sujet mondial, ce serait bien quand même, meme si les délais de bouclage sont raccourcis comme peau de chagrin d'essayer de varier les sources, voire de mandater un photographe.

Je n'ai pas dit d'envoyer quelqu'un sur place, ouh là là noooon, il est bien loin le temps des guépards du photojournalisme qui sautaient dans un avion aux frais des grandes agences en "A" (Gamma, Sipa, Sygma) ou aux frais des magazines pour aller couvrir les conflits, les catastrophes, l'actualité. Ceux-là (et j'en ai connu, notamment un qui avait couvert le conflit Iran-Irak et m'a donné de nombreux détails à faire pâlir) ont bel et bien disparu. Ils sont toujours photographes, oui, mais sont devenus pépères et parfois se remémorent leur gloire et leurs exploits passés en photographiant des pipeule, en montant des reportages pour le secteur corporate et institutionnel, ou en réalisant des shooting bien propres en studio.

Je parle juste de mandater quelqu'un sur place. Tout iconographe qui se respecte possède un carnet d'adresse épais comme un bottin avec des coordonnées de photographes aux quatre coins du monde. Je pourrai vous montrer le mien, c'est un classeur format A5 en cuir marron, une vraie bible, j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux, je l'ai constitué peu à peu au fil des ans, depuis 1994, dans ce classeur à la lettre J comme Japon figurent pas moins de 4 photographes situés dans différents coins de l'archipel japonais.

Sans compter les coordonnées de deux grands journaux japonais.

 

Je ne veux donner de leçons à personne mais quand on est un pro, on ne va pas labourer les sentiers déjà battus, on cherche LA bonne image, celle qui fera choc, celle que les autres n'auront pas.

 Évidemment quand c'est un graphiste qui a été embauché dans une rédaction pour faire de la maquette de pages à mi-temps et de l'iconographie le reste du temps, il ne possède pas ces sources iconographiques-là. C'est normal, ce n'est pas son métier à la base.
Pour ma part, je sais manipuler Illustrator et même un peu QuarkXpress mais je serais bien incapable de monter une belle page. C'est normal, je ne suis pas graphiste, ni rédacteur maquettiste. A chacun son métier.

 

 Mais là  non plus, ce n'est pas ce cas de figure là puisque ces 4 grands hebdos (sisisi Paris Match quoi qu'on puisse en penser est un "grand" hebdomadaire en regard de son tirage et de son âge vénérable) ces 4 grands hebdos, donc, ont réellement un service photo digne de ce nom. Leur rédaction emploie encore plusieurs iconographes.

 

Non, la Vérité est ailleurs comme dirait Mulder...

La vérité, c'est qu'à force de tout trouver sur internet y compris le moins cher du moins cher, les budgets photo ont diminué comme neige au soleil. Et les exigences de rédacteurs en chef quandt à tirer le coût de l'iconographie vers le bas sont une pression énorme sur la pratique de ce métier. Si j'avais reçu 1 € à chaque fois qu'on m'a dit :" Elle est belle cette photo ! Mais tu ne peux pas me trouver la même chose en gratuit ?", je serais riche.

 

Il est bien loin, le temps où en tant que responsable photo d'une rédaction on pouvait négocier l'exclusivité d'une photo. Il est bien loin le temps où, iconographe dans une rédaction-bien-connue-que-je-ne-citerai-pas, j'ai vu verser à un photographe une avance de 4500 euros (en fait on était encore en francs, 30 000 francs, donc) (oui je suis vieille, et j'ai même connu l'époque des dinosaures, des ektas et des soirs de bouclages où on attendait que les pellicules reviennent du labo par coursier en express) juste pour qu'il n'aille pas proposer son reportage au magazine concurrent.

 

Bref, nous sommes à une époque où même le grand Paris Match ne peut plus se payer l'exclusivité de sa Une.

 

Ben je trouve ça assez lamentable. Ca veut dire que le photojournalisme est en crise et que l'iconographie est tombée bien bas. Ca veut surtout dire que le métier se meurt, que les photographes vont finir par crever de faim et les iconographes disparaitre...

 

R.I.P.
(mais féchié quoi !)

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Commentaires
K
C'est pas faux ! (Et ce blog à l'air super intéressant et drôle, merci pour cette découverte)<br /> <br /> D'ailleurs dans la même veine, il y a un excellent article sur les règles de l'illustration "L'illustration ou comment faire de la photographie un signe ?", sur l'Atelier des icônes :<br /> http://culturevisuelle.org/icones/1147
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L
Je suis d'accord avec toi mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une question de "mode", comme un standard lié au sujet ? Je suis toujours étonnée quand je tombe sur ce genre d'article<br /> http://christophecourtois.blogspot.com/2011/03/des-dos-dos-cote-cote.html<br /> ou<br /> http://christophecourtois.blogspot.com/2010/10/et-si-lon-courait-dans-une-rue-bleutee.html<br /> <br /> pour plaire/vendre il faudrait proposer une certaine esthétique (je ne sais pas si je suis très claire) et comme pour une mode, tout le monde (ou presque) craque pour le même modèle
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