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KaMaïa au FarWest
25 juin 2023

Le choix de la mutilation, le choix de la Vie

[Post anti-daté] Le 25 juin dernier, je postais ça sur ma page Facebook

uterus

 Le choix de la mutilation, le choix de la Vie

Dans quelques jours, j'entrerai tôt le matin au bloc opératoire pour que la chirurgienne du centre de cancérologie me retire l'utérus, les trompes et les ovaires.
Une intervention chirurgicale majeure lourde de conséquences sur mon quotidien et ma vie de femme.


Un choix raisonné pour contrer cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête : 60% de risques de cancer de l'endomètre (et un endomètre hyperplasique depuis 2 ans = c'est comme ça que *ça* démarre) et 40% de risque de cancer des ovaires.
La mutation génétique dont je suis porteuse m'a déjà démontré que ce risque statistique n'était pas une plaisanterie.

J'ai fait face au cancer à l'âge de 31 ans, alors que j'étais jeune maman (je cumule l'exploit d'avoir eu un bébé, puis un cancer en l'espace de 6 mois). Un cancer du côlon, rare chez une femme aussi jeune, qui a orienté les médecins vers le dépistage génétique.
Bonne pioche. Ou mauvais karma c'est selon.

Quand on m'a retiré le côlon -et le cancer qui s'y développait- le chirurgien m'avait dit :
- je ne vous ai pas trop mutilée parce que vous êtes jeune mais à 40 ans il faudra vous retirer votre utérus et vos ovaires.
Et Vlan !
Vous le voyez le grand coup de pelle dans mon Féminin ?
Moi qui en tant que doula ait accompagné une trentaine de naissances. Moi qui suis facilitatrice de Tentes Rouges et de Cercles de femmes.
Mutilée au plus profond de mon essence féminine...

La Vie a le chic pour me confronter régulièrement avec le pire du pire que j'espérais ne jamais avoir à vivre.
Sans oublier les conséquences physiques de la ménopause chirurgicale brutale et sans préavis avec son cortège d'effets secondaires, ostéoporose, prise de poids, humeur en vrac, rides et vieillissement, sécheresse voire atrophie vaginale (si si ça existe, c'est encore plus fort que le fameux "point du mari" quand certains gynécos recousent une épisiotomie). 40% des femmes sont concernées après la ménopause et personne n'en parle. Si c'était aux hommes que ça arrivait, ce serait une grande cause de Santé Publique. Bref...

A 40 ans je n'étais pas prête.
J'avais eu presque 10 ans pour me faire à l'idée mais c'était totalement inenvisageable.
Et à 41 ans j'étais enceinte de mon 4e enfant. On n'allait pas me retirer mon pack repro alors que j'avais un locataire 🤰
Et ensuite je n'étais toujours pas prête.
J'ai donc bénéficié d'une surveillance adaptée avec plus d'examens rapprochés qui impliquaient des gestes invasifs et parfois douloureux mais je pouvais conserver mes organes. J'ai même subi pendant un moment un traitement hormonal désagréable qui m'a complètement déréglée. Et qui doit me valoir prochainement une IRM cérébrale parce qu'il provoque des tumeurs au cerveau ce qu'on ne savait pas quand on me l'a prescrit.
Finalement j'ai consulté la psychologue du centre de cancérologie et ça m'a bien aidée parce que je sentais que me voiler la face n'aiderait pas, d'autant que je n'arrêtais pas de croiser des femmes atteintes de cancers de la sphère gynéco.

En janvier de cette année je suis allée rendre un dernier hommage à S. qui laissait un mari et 2 ados. Tant de gens inconsolables au crématorium qui devront continuer à avancer sans elle.
Ce jour-là, en tentant de réconforter mon amoureux dont elle était une Amie si importante, j'ai senti comme le souffle de sa voix me murmurer à l'oreille et me mettre en garde.
- Ne laisse pas la même chose t'arriver !
Non je ne finirais pas avant mon heure dans ce crématorium si je pouvais l'éviter.
Oui je finirai d'élever mon petit dernier !
Et oui je connaîtrai mes petits-enfants !

Je me suis emparée du sujet et j'ai pris le lead.


Il y a trois âges dans la vie d'une femme, régis par sa physiologie, ses hormones féminines et la maturation puis la maturité de ses organes féminins.
👩‍🦱 Le temps de la Jeune Fille
🙎‍♀️ Le temps de la Mère
👩‍🦳 Le temps de la Sorcière, à comprendre ici comme la Vieille Femme Sage et Avisée des sociétés traditionnelles, matriarcales ou non.

J'allais passer dans ce troisième temps à MES conditions !
J'ai décidé de quand et par qui j'allais me faire opérer.
J'ai décidé de ce qu'on allait enlever (garder mes ovaires ou pas / laisser le col de l'utérus ou pas)
J'ai aussi pris la main sur la façon dont cette chirurgie va se dérouler.

Je ne voulais pas d’anesthésie générale pour des raisons de sécurité.
J'ai tendance à tellement bien "prendre" l'anesthésie que je ne "reviens" que tardivement et que je fais peur à tout le monde. Moi je ne m'en rends pas compte mais à quelques reprises j'ai bien senti à mon réveil le soulagement des infirmières de réa. Un peu comme si je me plaisais si bien "là-haut" que quelque chose m'y retenait. De ce fait, les anesthésistes du CHU n'aiment pas m'endormir. C'est pourquoi je passe depuis des années certains examens sous anesthésie locale, sous protoxyde d'azote ou carrément sans sédation alors qu'ils se font habituellement sous AG.
Donc j'ai expliqué tout ça à l'anesthésiste du centre de cancérologie et après que mon dossier ait été staffé en équipe, j'ai eu gain de cause sur le fait d'avoir une simple péridurale.
Ça rendait impossible la technique chirurgicale de cœlioscopie et imposait une laparotomie, c'est à dire être ouverte avec comme corollaire une nouvelle jolie balafre et des agrafes au même emplacement que mes cicatrices de césariennes.
C'est ce que j'ai demandé à ma chirurgienne qui était un peu surprise de cette demande inhabituelle mais à compris mes motivations et a accepté.
A dire vrai ça ne me dérange pas car l'expérience m'a montré que la cœlio dans mon cas personnel n'est pas l'idéal : trop de douleurs en post-op et trop d'adhérences chirurgicales douloureuses et gênantes à long terme après.
Je sais hélas ce dont je parle. Cette chirurgie sera ma dixième opération abdominale en comptant les naissances par voie haute de mes enfants.
En tant qu'énergéticienne et magnétiseuse, je travaille depuis plusieurs jours à honorer l'énergie des organes de mon petit bassin et à détacher les corps subtils de mon utérus et de mes ovaires pour les conserver en place quand le corps physique de mes organes sera ôté.
Je connaîtrai donc vendredi ma 5e césarienne (etym: verbe latin caedere = couper, inciser) pour accoucher cette fois non pas d'un bébé mais de mon utérus et de mes ovaires.
Je serai éveillée et je pourrai être présente psychiquement pour dire adieu en conscience à ces organes fondamentaux qui ont fait de moi la femme et la mère que je suis aujourd'hui.

Quant aux suites opératoires ?
Et bien une fois les douleurs post-op gérées, elles ne m'inquiètent plus du tout.
D'abord mon corps, ce brave compagnon, est entré tranquillement en ménopause il y a 6 mois. A son propre rythme et quand le temps était venu.
Ensuite je SAIS aujourd'hui que cette intervention que je croyais mutilante sera en fait tout le contraire.
Elle va simplement achever mon passage dans le troisième et dernier cycle de ma vie de femme, me renforcer en tant que Femme et préserver ma vie afin que j'aie la chance de connaître d'autres années que j'espère nombreuses auprès de ceux que j'aime.
Place à la Vieille Sorcière ! 🧙‍♀️

3 parques

***************Epilogue 3 mois plus tard***************

Alors... cette chirurgie n'a pas forcément été un long fleuve tranquille, mais je l'ai bien vécue !

L'opération s'est bien passée, même si la péridurale n'a pas suffi.
L'intervention a démarré dans une ambiance détendue, avec une équipe au petits soins et une chirurgienne adorable.
L'anesthésie était bien dosée dans le sens où je sentais tout mais je n'avais pas mal. Mais elle ne montait pas assez haut et à un moment j'ai senti une grosse gène. J'ai posé la question et la chirurgienne m'a expliqué qu'elle venait de mettre un écarteur. J'ai dit que je le sentais, ça n'était pas agréable mais pas encore trop douloureux. Cela a alerté l'équipe sur le fait que la sédation n'était peut-être pas assez étendue. Puis quand la chirurgienne à commencé à remonter et dévasculariser les ovaires j'evaluais la douleur à 7 ou 8 et j'ai dit que je ne tiendrais pas si ça augmentait encore et qu'il fallait m'endormir.
Donc j'ai eu une anesthésie général tranquille mais rapide mais j'avais eu le temps d'être éveillée et en conscience durant le début de l'intervention et c'est ce que je souhaitais.
La chirurgienne m'a promis de faire une photo de mes organes et ça m'a fait plaisir car je voulais les voir.
Ca peut paraitre morbide écrit ainsi parce qu'une pièce opératoire n'est pas hyper glamour mais je n'avais aucune appréhension puisque j'ai été iconographe pendant 5 ans en presse médicale, j'ai vu en termes de photos gore tout ce qui se fait dans toutes les spécialités médicales (mention spéciale à la dermatologie qui peut être franchement écoeurante et à une fracture de pénis très très impressionnante qui est encore inscrite dans ma mémoire en persistance rétinienne)
Donc ma pièce opératoire, même pas peur, j'étais finalement ravie de voir de l'extérieur mon utérus, mes ovaires et mes trompes que j'avais vus plusieurs fois de l'intérieur lors de mes hystéroscopies de surveillance.
Cela m'a permis symboliquement de leur dire adieu.
Je les aurais volontiers récupérés pour aller les enterrer au pied d'un chêne mais ils sont partis à l'analyse anatomo-pathologie pour être découpés en lamelle et analysés... et tout va bien, pas de cancer.
Mais dixit la chirurgienne, il n'aurait pas fallu attendre 6 mois de plus.

Les suites opératoires ont été douloureuses et fatigantes. Pas dans le post-op immédiat car si la douleur se réveillait un peu, la péridurale avait été laissée en place et j'avais une pompe pour m'administrer le produit. Donc les premières 24h super j'ai même pu me lever et marcher un peu.
Mais le lendemain la péridurale s'est enlevée toute seule, je veux dire j'ai perdu le cathéter que j'avais dans le dos car le sparadrap avait dû bouger et ensuite ça a été l'horreur question douleur. Je n'étais pas soulagée par ce qu'ils me donnaient par voie orale (en même temps doliprane / spasfon quand on t'a ouvert le ventre = pisser dans un violon) (même problème en post-césarienne, on te file des trucs légers surtout si tu allaites alors qu'on vient de t'ouvrir le ventre et qu'en plus on s'attend à ce que tu t'occupes de ton nourrisson comme s'il ne s'était rien passé).
Je notais la douleur à 6 avec des pointes à 8.

Je crois qu'il n'y a rien de pire que ne pas être entendue quand je disais que j'avais mal et qu'il fallait me donner un truc plus fort. Donc finalement quand je me suis roulée en boule en position foetale et que je me suis mise à gémir parce que ça me soulageait un peu, ils se sont dit "ah mais en fait elle a mal la dame" et on est passé à la morphine orale mais l'effet se dissipait trop vite et donc je traversais des plages de douleur où on ne pouvait rien me donner.
L'anesthésiste est finalement passé me voir pour revoir le protocole anti-douleurs. Je leur ai dit qu'il me fallait une diffusion par perfusion en continu puisque je n'étais pas assez soulagée par les médicaments par voie orale.
Ils ont fini par me mettre de la morphine en perfusion en autonomie (c'est moi qui m'administrais les bolus).
Enfin, douleur soulagée !
En revanche je n'étais pas loin de voir des éléphants roses et j'étais assez incohérente. Et c'est un état que je n'aime pas trop.

Je suis sortie 4 jours après l'intervention, encore un peu flageolante.
Mon Guérandais était venu me chercher (il a été top durant tout ce temps m'amenant au Centre de cancérologie - alors que j'aurais pu y aller en VSL- faisant le taxi pour CF2 qui voulait me rendre visite et n'était pas véhiculée-, restant à attendre durant toute la journée de l'intervention) il est donc venu me chercher et m'a ramenée chez lui où il a été aux petits soins pour moi durant une semaine.
Moi qui n'ai jamais eu l'habitude qu'on prenne soin de moi comme ça (ça n'était pas le genre de CM qui même au plus fort de ma période cancéro n'a pas été très soutenant -il y avait 3 enfants petits à gérer + son angoisse de se retrouver veuf ce qui ne le rendait pas capable de faire plus-, ni du père de CF4), j'avoue avoir apprécié. Au début j'avais même failli refuser sa proposition d'aller chez lui pour ma convalescence car je suis une grande fille qui se débrouille toute seule, mais j'ai accepté et j'ai eu raison car j'aurais été incapable de m'occuper de moi toute seule.

J'ai eu besoin d'envion un mois pour récupérer physiquement.
Mes congés d'été se sont enchainés avec mon arrêt-maladie et c'était bienvenu.
Cela m'a fait une vraie coupure et un long été de farniente (enfin pas tant que ça, j'ai passé beaucoup de temps dans le Morbihan à trier et vider le Petit Paradis que mon père souhaite mettre en vente mais cétait de chouettes vacances quand même) qui m'a permis de bien récupérer.
Sur le plan physique, ma ménopause n'était en fait pas totalement installée et j'ai eu de plein fouet les effets physiques de l'ablation des ovaires : mon thermostat est déréglé, j'ai des bouffées de chaleur nombreuses et désagréables et j'ai pris 2 ou 3 kilos dont il va falloir que je m'occupe.
Mais moralement ça va très bien, je ne me sens pas mutilée comme je craignais de l'être. Visiblement tout le travail d'acceptation psychologique que j'avais accompli a payé.

Et hier, j'ai été capable de faire un viron de 47 km à vélo avec le Guérandais. Je ne m'en serais pas crue capable il y a quelques mois.
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